
Face au défi environnemental, le monde de l’Opéra interroge ses modes de faire, et promeut une transition collaborative, transversale et transgénérationnelle.
Connectées à leur temps, les maisons d’Opéra s’engagent en faveur d’un avenir plus durable, à la fois par des écogestes du quotidien, et par le biais de créations originales puissantes et invitant à la réflexion.
La nécessité du collectif
Côté décors, on tend vers le développement de structures uniques applicables à différents décors (recyclables), et le recours à des matériaux moins polluants. On manipule le bois en sélectionnant des essences à croissance rapide (peuplier, bouleau).
L’ensemble de ces solutions, déployées et expérimentées avec succès au niveau local, forment des chemins d’avenir ; elles constituent une trame commune que chaque maison d’Opéra travaille à appliquer à ses fonctionnement et caractéristiques propres. Car faire de l’écoconception un « nouveau mode de faire durable » suppose de généraliser des initiatives individuelles (souvent artisanales), et de former un tout plus durable, un modèle circulaire et vertueux.
Bien entendu, ces sujets de réemploi et de réutilisation ne vont pas sans en convoquer d’autres, plus ou moins prosaïques. Se posent ainsi les questions des droits d’auteurs, des responsabilités en cas d’accident, la capacité des maisons à absorber la hausse du prix des matériaux, le risque d’opéras à bas coût avec, à terme, la disparition de certains métiers. Et puis quelle liberté pour le créateur ? Maisons d’Opéra, acteurs institutionnels et politiques, fournisseurs des matières premières et artisans… La réflexion suppose d’être menée de façon collective et inclusive, transversale et transgénérationnelle.
Des créations innovantes et durables
En coulisses et sur scène, le changement est d’ores et déjà tangible. Moteur d’une transition au long cours, l’Opéra de Lyon opère, dans le cadre d’un plan sur huit ans, la réduction de son empreinte carbone (en matière énergétique, de mobilité, d’achats…) en privilégiant, lui aussi, la réutilisation des costumes et des décors. L’Opéra de Lille a obtenu la certification internationale ISO 20121, attestant d’un management responsable sur le plan social et environnemental.
Tout aussi proactif, l’Opéra de Bordeaux proposait, en cette fin janvier 2023, un Requiem de Mozart en mode « zéro achat », première du genre en Europe. Le pari ? Ne faire intervenir que des décors réemployés et des pièces de costumes sorties des stocks de l’Opéra ou récupérées en friperies ; une prime à la seconde vie pour un Requiem de Mozart, ouvrant, précisément, à la possibilité d’une vie après la mort.
Samedi 11 février, l’opéra Eurométropole de Metz dévoilera Xynthia, L’Odyssée de l’eau, production écoresponsable partagée avec l’Opéra de Reims et Clermont Auvergne Opéra, et expérience totale faisant s’entrechoquer trois trames narratives : le récit de l’eau depuis ses origines cosmiques, la pièce écologique et avant-gardiste Un ennemi du peuple d’Ibsen, et le récit des conséquences de la tempête Xynthia (dès 12 ans).
Du 8 au 11 mars, l’Opéra Orchestre national de Montpellier proposera Climat, création inédite réalisée à l’occasion des 30 ans d’Opéra Junior. Sur la forme (scénographie écoconçue, costumes récupérés dans les stocks de l’Opéra ou en friperie…) comme sur le fond (Juliette, adolescente, reproche à sa mère son inaction sur le plan écologique), cette production mise en scène par Damien Robert verdit les codes opératiques.
L’Opéra-Comique interrogera, les 14 et 15 mars, « la matérialité du spectacle, l’évolution de son économie et les façons dont l’urgence environnementale amène à repenser l’opéra dans la cité ». Cadre des discussions ? Un colloque, intitulé La nature n’est plus un décor.
Enfin, à travers Three lunar seas, création mondiale à visée réflexive, L’Opéra Grand Avignon confrontera, les 5 et 7 mai, des destins et questionnements individuels aux grands défis actuels.